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Regra 34 de Júlia Murat

  • Ninon
  • 11 janv. 2023
  • 3 min de lecture

Ce film nous donne à voir de manière littérale le corps des femmes dans notre société. Comment ce corps est sujet à la consommation, au désir, à la violence, à la répression, au contrôle et aux fantasmes des hommes.

Il nous place dès le début dans une double situation de spectateur ; nous sommes le public du public d’un site pornographique. Nous assistons non seulement à la vidéo de la femme se déshabillant mais également aux messages en direct envoyés pendant son stream. Sur l’écran de cinéma qui devient celui d’un ordinateur, nous voyons simultanément et le corps d’une femme et les messages d’autres part. Nous sommes publics de ces deux éléments, sans filtres sans censure sans glamourisation ; le corps est totalement nu, et les messages obscènes au possible (cela en devient même risible tellement ils poussent loin). Il n’y pas d’idéalisation et d’enjolivement dans cette scène ; la réalité est telle qu’elle, et l’image affranchie d’effets de caméras alambiqués, de lumières artificielles romantiques, de décors légers et subtil.


Cette volonté de filmer cette réalité brute se traduit dans le film par de longues séquences de plan fixes, sans aucuns mouvements comme figés dans le réel. C’est notamment le cas dans les scènes où des femmes victimes de violence vont au tribunal, et témoignent de ce qu’elles vivent. Pendant un long moment, les femmes parlent. La caméra ne bouge pas de leur tête. Sur le moment, je me suis agacée de cette lenteur exaspérante, de cette immobilité de l’image ; mais ensuite, il m’est apparu que ces scènes ne pouvaient tout simplement pas être filmées autrement.

En effet, pourquoi ne pas filmer ces paroles de manière plus dynamique ?

Parce que l’horreur de la violence qu’elles subissent ne peut tout simplement pas être racontée de manière rapide. L’horreur de la violence qu’elles subissent durent depuis des siècles et des siècles. L’horreur de la violence qu’elles subissent n’est pas entendue, n’est pas crue, n’est pas condamnée, n’est pas punie dans notre société. Alors le fait de délivrer de la longueur à ces paroles, oui c’est nécessaire et c’est aussi nécessaire de prendre le temps de le regarder et de l’écouter.

Une réflexion après avoir vu ce film est que la violence explicite (comme des gestes physiques, ou des réflexions et insultes verbales) n’apparaît pas dans ce film. En effet, la représentation de la violence n’est jamais directe ; elle est évoquée, suggérée, et cela la rend d’autant plus constante et systématique.

Àl’écran, c’est une violence beaucoup plus vicieuse qui est à l’œuvre ; c’est par exemple, le jeune avocat (blanc) au début qui monopolise la parole, et que sa consœur (plus âgée) à côté ne peut pas parler. C’est le vieux professeur (blanc lui aussi, coïncidence ?) qui rappelle à l’ordre avec condescendance une élève (racisée) de sa classe. C’est aussi la suggestion de cette violence, dans cette magnifique scène où l’actrice principale monte des escaliers dans la rue, c’est la nuit ou en tout cas le soir, il fait noir et la lumière émane des lampadaires. Et d’un coup, les lampadaires s’éteignent et l’image est plongée dans l’obscurité ; l’héroïne marque un temps d’arrêt, et se hâte rapidement. En tant que femme, la rue dans le noir nous est évocation de danger immédiat, de la peur du viol et de la mort. Cette pensée n’est pas verbalisée dans cette séquence, mais tout est dit ; nous ne sommes pas en sécurité. Nous ne sommes pas protégées.

En somme, la violence est filmée de manière élégante, lucide, et juste. Tous les degrés d’intensité des agressions sont ainsi montrées ; de la simple et banale expérience quotidienne, aux réflexions humiliantes du cercle social, qui arrive au harcèlement virtuel qui va s’imprimer physiquement, jusqu’à son paroxysme -- le meurtre ?


Ce film se déroule dans une ville au Brésil, comme il aurait pu se produire dans n’importe quelle ville. La misogynie et le sexisme ne sont pas localisés et restreints qu’à une culture. C’est aussi cela qui nous rend si proche de ces personnages ; le porno, la violence conjugale, le harcèlement sexuel, le consentement, toutes ces notions nous les expérimentons tous dans notre vie. Le rapport à notre corps en tant que femme, racisée et actrice pornographique.



Ninon

étudiante en L1

Philosophie parcours musique

 
 
 

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